Chers partenaires et clients, venez découvrir notre nouveau site institutionnel

Pollution des captages d'eau brute de Bretagne par les matières organiques. Rapport de synthèse : tableau de bord de la pollution, causes possibles, recommandations

/ A l'échelle de la Bretagne, 64 prises d'eau sur 118 connaissaient en 2002 des dépassements du seuil réglementaire maximal autorisé de concentration en matière organique (<10 mg.L-1 d'oxydabilité sur eau brute). Si dans le cas des prises d'eau installées en retenue, les dépassements constatés paraissent imputables pour une grande part à l'eutrophisation des masses eaux du fait des apports de nitrate et de phosphate en provenance des bassins versants (développement autochtone de la matière organique à partir du phytoplancton), il n'en va pas de même des pompages en rivière dit au "fil de l'eau" pour lesquels l'essentiel de la matière organique (MO) est d'origine allochtone, provenant du lessivage des sols des bassins versants (BV) par les eaux de drainage. Plusieurs questions se posent alors. Qu'elle est la composition et l'origine ultime des MO transitant dans les rivières à l'endroit des prises d'eau? S'agit-il uniquement de substances humiques (origine végétale), ou bien y a-t-il inclus un compartiment animal issu par exemple des effluents d'élevages épandus sur les sols des BV? Quels rôles jouent les facteurs du milieu physique (topographie, occupation du sol,~) et la variabilité hydroclimatique sur les flux et les concentrations de MO à l'exutoire? Enfin, quelle est la tendance évolutive? Est-on en face d'un phénomène récent d'augmentation de la charge en MO des rivières de Bretagne (si oui, quelle cause?), ou bien celles-ci ont-elles de tous temps été caractérisées par de fortes teneurs en MO? Sous l'impulsion de la DRASS Bretagne et de la Mission Bretagne Eau Pure, deux études ont été réalisées en 2003 et 2004 afin de répondre à cet ensemble de questions et d'explorer d'éventuelles solutions curatives. La première s'est attachée à recueillir les données existant à l'échelle de la Bretagne afin de dresser un état des lieux aussi précis que possible de la pollution actuelle des rivières bretonne par les MO, et de l'évolution dans le temps de cette pollution. Une analyse statistique en composante principales des concentrations en MO mesurées dans les rivières de Bretagne et des principales variables susceptibles de contrôler ces concentrations (topographie, teneur en MO des sols, assolement, pression d'épandage,...) a également été réalisée dans le cadre de cette première phase, et ceci afin de procéder à une première identification des causes possibles des pollutions observées. Cette première identification a été complétées par la deuxième étude, étude dans laquelle les techniques de la géochimie organique moléculaire ont été mises en oeuvre pour préciser l`origine animale ou végétale des MO véhiculées par les rivière de Bretagne, l'objectif étant ici de déterminer très précisément le rôle éventuellement joué par les épandages d'effluents d'élevage sur la pollution des rivières bretonnes par les MO. L'objectif final poursuivi par ces deux études était de formuler des recommandations pratiques, dont la mise en oeuvre puisse être de nature à réduire les pollutions observées ou, à défaut, permette d'en limiter les effets.Deux types de données ont été utilisés pour dresser le tableau de bord actuel et passé de la pollution des captages en rivière de Bretagne par les MO: i) les contrôles effectués par les DDASS sur les 118 prises d'eau "au fil de l'eau"; ii) les autocontrôles effectués par certains exploitants sur ces mêmes prises d'eau. Les données issues des contrôles DDASS présentent le gros avantage de couvrir l'ensemble du territoire breton; l'inconvénient est qu'il s'agit de données basse fréquence (12 échantillons par an au mieux) et donc peu aptes à quantifier de manière précise la pollution des rivières bretonnes par les MO, la teneur en MO des eaux de rivière variant très fortement et très rapidement dans le temps; de plus, il n'existe pas de données fiables antérieures à 2002. Les données d'autocontrôle permettent de palier ces deux derniers inconvénients, puisque fournissant des séries hautes fréquences (1 mesure par jour) et longues durées (depuis 1979, pour la plus longue); l'inconvénient majeur est que seules six séries de ce type ont pu être mises à jour (BV de l'Elorn (29); BV de Kervidy-Naizin (56); BV du Yar, du Min Ran et du léguer (22); BV du haut-Couesnon (35)). L'image fournie par ces séries est donc forcément tronquée, eut égard à la situation de l'ensemble de la Bretagne. Concernant la pollution actuelle des rivières bretonnes par les MO, trois images ressortent du tableau de bord ainsi établi. La première est celle d'une forte variabilité spatiale des niveaux médians de pollution, ceux-ci variant de 2.4 à 13.4 mg.L-1 d'oxydabilité suivant les prises d'eau. La deuxième est celle d'une qualité d'eau relativement dégradée au plan régional du point de vue des MO avec plus de 30 prises d'eau sur 118 frôlant ou dépassant, en valeur médiane, la limite réglementaire des 10 mg.L-1 d'oxydabilité. Enfin, la troisième image est celle d'une distribution spatiale peut-être non totalement aléatoire de la pollution, les prises d'eau les plus "polluées" semblant se concentrer dans la partie nord, nord-est de la Région (Côtes d'Armor, notamment). Concernant les évolutions temporelles, plusieurs échelles de variabilité sont observées. La plus courte période se produit à l'échelle de la crue, les pollutions étant maximales pendant les épisodes de crue (concentrations multipliées par un facteur 10, voire plus, par rapport aux inter-crues), notamment les crues d'automne et d'hiver. La deuxième échelle est saisonnière, les concentrations en MO étant globalement plus élevées en automne et en hiver, qu'au printemps et en été. La troisième est d'ampleur pluriannuelle, et est marquée par l'occurrence de maximums de pollutions, en phase à l'échelle de toute la Bretagne, tous les 5-7 ans environ. Enfin, les quelques séries longs termes disponibles montrent une échelle de variation étalées sur 25 ans et marquée par une augmentation continue de la teneur en MO des rivières caractérisées par un fort taux actuel de pollution. Ces mêmes quelques séries montrent que la dégradation de la qualité "organique" des eaux des rivières actuellement fortement polluées par les MO est un phénomène toujours en marche, l'augmentation actuelle de la teneur en oxydabilité des eaux de ces rivières étant en base annuelle d'environ 0.2 mg.L-1 par an. Point important, une des séries longs termes recueillies (BV de l'Elorn) montre une tendance long terme à la diminution des concentrations en MO mesurées à la prise d'eau. Le croisement de ces données avec les facteurs propres au milieu breton (climat, topographie, pédogéologie,..) et les activités agricoles sur les BV permet de révéler le rôle très important joué par le climat et la topographie dans l'établissement de certaines des variabilités spatiales et temporelles observées. Ainsi, les maximums de pollutions observées tous les 5-7 ans sont clairement d'origine climatique, traduisant la remontée des nappes vers les horizons organiques du sol lors d'années particulièrement pluvieuses. Les maximums de concentrations observées en période de crue sont quant à eu le fruit d'une interaction entre le climat (épisodes pluvieux) et la nature peu perméable des BV bretons, laquelle nature favorise les écoulements de l'eau dans les horizons organiques du sol en période fortement humide. De ce point de vue, on peut dire que le contexte breton est par nature un contexte à risque du point de vue de l'exportation de MO des sols vers les eaux de surface. Ce risque sera d'autant plus grand que les fonds de vallée seront plats et larges, deux caractéristiques favorables au déclenchement de phénomènes de ruissellement sur sols saturés lors d'épisodes de pluie. Les résultats obtenus par les études réalisés à ce jour montrent que la variabilité morphologique des BV bretons et la variabilité du climat dont bénéficie la Bretagne sont susceptibles, à eux seuls, de créer des variations spatiales et temporelles de la concentration en MO des rivières bretonnes d'un facteur d'au moins 2 et 1.25, respectivement. Le rôle de la topographie est confirmée par l'analyse en composante principale des données DDASS, la variable "topographie" étant de loin celle expliquant la plus grande part de la variance totale observée au niveau des prises d'eau (24.6%).Le climat pourrait être également à l'origine des évolutions à la hausse constatées depuis 25 ans au travers de l'augmentation de 40% des précipitations en Bretagne sur la période et/ou de la hausse de 1.5°C de la température moyenne annuelle sur la même durée. Relier directement la dégradation de la qualité des eaux des rivières de Bretagne du point de vue des MO à ces deux éléments du climat n'est cependant pas chose aisée, dans la mesure ou la dégradation n'a pas le caractère uniforme auquel on s'attendrait si un facteur global comme le climat devait être pris comme la cause des dégradations observées, sauf a penser au déclenchement de rétroactions locales négatives engendrées par des interactions entre le climat et certains facteurs locaux non identifiés. Concernant le rôle des autres facteurs, et notamment celui des activités agricoles, l'analyse statistique n'a pas mis à jour de relation directe et globale entre la teneur en MO des eaux à l'endroit des captages et des éléments comme la teneur en MO des sols des BV, les assolements, les pressions d'épandages,... laissant plus de 50% de la variance observée dans les eaux inexpliquées. Une des raisons de cet échec résulte probablement d'une inadéquation entre les types de données qu'il nous a été possible de récolter auprès des différents partenaires contactés et celles dont il faudrait pouvoir disposer pour procéder à une analyse rigoureuse des relations entre qualité "organique" des eaux et activités sur les BV. En effet, les différents services impliqués dans la collecte et l'analyse de données agricoles nous ont fourni des données moyennées à l'échelle de la commune, voire de l'exploitation. Or, il est clair que seules les zones plates de fonds de vallées sont contributives à la charge en MO des rivières bretonnes, d'où la nécessité impérieuse de disposer d'informations sur les pratiques agricoles à l'échelle de la parcelle, l'échelle véritablement "mécanistique" du problème traité, pour une analyse statistique rigoureuse des relations entre qualité des eaux et pratiques agricoles. Les analyses moléculaires conduites dans le cadre de la deuxième étude ont néanmoins permis de mettre en évidence l'impact des épandages de déjection animale. Une molécule caractéristique des déjections porcines (le coprostanol) a en effet été retrouvée dans les rivières drainant les BV les plus "chargés" en élevages porcins (BV de l'Elorn, 29). Mieux, une relation systématique a été mise à jour entre la présence de certains composés organiques dans les eaux de rivière et les types d'élevage sur les BV. Par ailleurs, il est apparu que le BV dont la MO comportait une signature "lisier de porc" marquée était celui dont la teneur en MO diminuait dans le temps, les rivières aujourd'hui très polluées et présentant des concentrations à la hausses dans le temps montrant des signatures proches, voire confondues avec celles de déjections bovines et/ou de fientes de volaille. La conclusion logique que l'on est amené à tirer est que ce sont plutôt les activités d'élevage "bovin" et "volaille" qui seraient à l'origine des augmentations de MO dans le temps, si tant est que l'on doive relier ces augmentations aux épandages d'effluents d'élevage pratiqués sur les BV. Au vu des résultats obtenus, les élevages de porc et les épandages associés seraient plutôt facteur d'une diminution des teneurs dans le temps, associée probablement à un changement de composition d'une partie des MO exportéesLa complexité du problème traité et les zones d'ombre persistantes sur les causes profondes des pollutions observées sont évidement un frein à la définition d`actions concrètes de reconquête de la qualité de l'eau sur le plan des MO. Des études complémentaires, intégrant la collecte et/ou l'acquisition des données "milieu" appropriées au problème traité doivent impérativement être lancées pour rendre ce but atteignable. De même, il nous semble impératif de poursuivre l'effort de caractérisation chimique des MO impliquées dans les pollutions, seul moyen véritable de remonter aux causes. Ceci étant, des recommandations étayées par les résultats obtenus suites aux deux études conduites par le Cemagref et le CNRS peuvent néanmoins être formulées sur aux moins trois plans. Le premier concerne la nécessité de cartographier les territoires à risques à l'échelle de la Bretagne (les zones de fonds de vallée), et de limiter autant que faire se peut les pratiques à risques au sein de ces territoires (épandages d'effluents d'élevage; drainage; arasement des haies et des talus filtrant,...). Sur un autre plan, la variabilité temporelle de la pollution, d'une certaine manière prédictible puisque sous la dépendance du climat, laisse entrevoir des éléments de gestion de la pollution, là ou des problèmes de santé publique sont possibles: mise en place de procédure d'alerte en cas d'annonce de crue avec arrêt éventuel des pompages pendant le passage de l'onde crue, nécessairement très polluée en MO. Enfin, les résultats présentés et les zones d'ombre qu'ils projettent militent pour la mise en place d'un réseau de BV ou de sous BV, représentatif du contexte breton, au sein duquel les pratiques agricoles seraient renseignées aux échelles spatiales imposées par la dynamique des transferts de MO des sols vers les eaux. Sans la mise en place d'un tel réseau aux allures d'observatoire de l'impact des activités humaines sur la qualité de l'eau, les points non expliqués ici le resteront, comme sera difficile toute évaluation de l'impact de décision qui pourraient être prise en matière d'aménagement ou de changements de pratiques visant à réduire la pollution organique des rivières de Bretagne.

Accès au document

Métadonnées du document