Le rapport des Nations Unies présente et analyse plusieurs méthodes et approches d’évaluation de la valeur de l’eau en prenant en compte divers critères interdépendants : les considérations environnementales, la valeur des infrastructures hydrauliques, celle des services d’eau et d’assainissement, la production socio-économique ou encore les valeurs culturelles de l’eau.
La valeur environnementale de l’eau
Le rapport soulève un lien important entre la gestion de l’eau et les avantages procurés par les services écosystémiques générés par les infrastructures naturelles pour les populations humaines. En effet, l’eau prend sa source dans le milieu naturel et y retourne, après utilisation par l’Homme, chargée de polluants et d’impuretés, néfastes pour l’environnement. Pourtant, les services écosystémiques offrent des avantages considérables aux populations, en réduisant le risque de catastrophes naturelles et en préservant la biodiversité, permettant aux activités lucratives et/ou de loisirs telles que la chasse, la pêche ou encore le tourisme de se développer et de prospérer. Il est donc nécessaire de comptabiliser ces infrastructures naturelles dans la gestion de l’eau. Mais les évaluer de manière monétaire comme c’est le cas pour d’autres biens reviendrait à accepter une marchandisation de la nature. C’est pourquoi cette évaluation doit prendre en compte différentes approches économiques, ainsi que les croyances culturelles et sociétales attachées à l’environnement.
La valeur des infrastructures hydrauliques
Le rapport des Nations Unies pointe du doigt les lacunes qui subsistent dans l’évaluation de la valeur des infrastructures hydrauliques, qui représentent des coûts d’exploitation et de maintenance pourtant extrêmement élevés. En effet, cette évaluation repose sur une approche coûts/avantages qui n’est pas toujours fiable, les coûts pouvant être sous-estimés tandis que les avantages sont souvent surestimés. En outre, cette approche ne prend pas en compte les externalités, à savoir les coûts sociaux et environnementaux et s’appuie uniquement sur les rendements financiers, faussant ainsi la véritable valeur des infrastructures d’eau.
De plus, le texte cible les projets d’infrastructures d’eau à grande envergure, tels que les constructions de barrages hydroélectriques, la plupart du temps fondés sur des choix politiques et qui laissent peu de place à la transparence financière. Le rapport en conclut donc que l’évaluation de la valeur de ces infrastructures doit reposer sur une bonne gouvernance.
La valeur des services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène
Alors que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement constitue un droit humain fondamental pour garantir une bonne hygiène de vie, plus de 3 milliards de personnes dans le monde et 2 établissements de santé sur 5 ne disposent pas d’installations adéquates pour l’hygiène des mains. C’est ce que dénonce le rapport en lien avec la pandémie actuelle de Covid-19 qui a frappé durement les pays où l’accès à l’hygiène des mains est particulièrement difficile.
Selon le rapport, la réalisation de l’accès pour tous aux services WASH (eau et assainissement) dans 140 pays à revenu faible ou intermédiaire aurait un coût d’environ 114 milliards de dollars par an. Bien que considérables, ces investissements représentent un enjeu humain et offrent un rendement positif et des retours sur investissement importants. En outre, le rapport soulève et dénonce le fait que les services WASH sont souvent gérés par les gouvernements et font donc l’objet de subventions. Or, il a été observé que celles-ci ne garantissent pas nécessairement l’accès des plus pauvres aux réseaux d’eau potable et d’assainissement car elles peuvent bénéficier à des personnes déjà raccordées à ces réseaux. Il est donc indispensable de rationaliser les systèmes de subventions, afin qu’elles bénéficient aux plus pauvres et que les ménages les plus riches payent de leur poche les fournisseurs.
La valeur économique de l’eau
Quelle est la valeur de l’eau pour les différents secteurs de l’économie (agriculture, industrie, services, énergie) ? 69% des ressources mondiales en eau douce sont utilisées pour l’agriculture. Entre la sécurité alimentaire et l’augmentation continue de la demande en matière d’alimentation, l’utilisation intensive de l’eau dans le secteur agricole et agroalimentaire est devenue une véritable préoccupation. En effet, cette utilisation représente un facteur de pollution des cours d’eau, d’épuisement des nappes aquifères, de réduction du débit des rivières, en bref de dégradation de l’environnement. Ainsi, l’évaluation de la valeur de l’eau pour la production agricole et alimentaire doit prendre en compte les avantages sociaux, environnementaux et économiques attachés à l’eau (ex. amélioration de la nutrition, création d’emplois, réduction de la pauvreté, revitalisation des zones rurales, etc.), ce qui est rarement le cas aujourd’hui.
Quant aux secteurs de l’industrie, de l’énergie et du commerce, ceux-ci reposent sur la monétisation, ce qui les prédispose à prendre en compte certains aspects de la valeur, notamment volumétriques, et d’en délaisser d’autres alors que la productivité économique de l’eau dans ces secteurs entraîne des bénéfices connexes comme la création d’emplois ou la valeur ajoutée du produit. Le rapport préconise donc de réévaluer ces valeurs, en prenant en compte ces bénéfices et fait la promotion de l’économie circulaire où l’eau est réutilisée à l’infini, devenant elle-même une partie de l’infrastructure plutôt qu’une ressource consommable.
Les valeurs culturelles de l’eau
Les valeurs culturelles de l’eau, sûrement les plus grandes, sont également les plus compliquées à mesurer. Le rapport souligne que la perception des valeurs de l’eau par une société, un groupe de personnes ou une personne seule se fait selon un contexte culturel particulier, propre à chacun. Plus qu’un besoin vital, l’eau est source de spiritualité, d’équilibre et de bonheur. Elle contribue également à la santé mentale des êtres humains et peut être appréciée pour ses valeurs esthétiques, environnementales, socio-économiques, etc. Le rapport fait également un lien entre la religion (ou la foi) et l’eau, celle-ci pouvant symboliser la vie, la pureté, l’harmonie avec la nature mais également le chaos. Parallèlement, les ressources en eau sont également sources de conflits. Pour les éviter ou les résoudre, il conviendrait que les parties prenantes intègrent les valeurs culturelles de l’eau dans les processus décisionnels.