Eaudanslaville

Service d’aide aux collectivités proposé par l'OIEau sur les questions liées à l’eau potable, l’assainissement collectif et non collectif.

Lettre d'information du 06 mai 2020

 

A LA UNE / Covid 19 - Eléments possibles pour une relance économique:    la piste des investissements pour l’environnement et la sécurité sanitaire

Crise économique 2007-2008 et crise actuelle : deux situations complètement différentes

La crise financière de 2007-2008

La crise financière qui débute en 2007 tient son origine de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (la Fed) au cours des années 2000 et d'innovations financières mal maîtrisées.

En 2006, la Fed, a augmenté son taux directeur de 1 % à 5 % afin de réduire les pressions inflationnistes. Cette hausse a entrainé la fin de la bulle immobilière américaine des années 2000, et a entraîné un renchérissement immédiat des mensualités de remboursement des crédits immobiliers à taux variables.

Logiquement, les effets du dégonflement d'une bulle immobilière engendrent surtout des faillites personnelles et des pertes réduites pour les établissements financiers. Cependant, lors de la crise de 2007-2008, les établissements de crédit immobilier n'avaient pas conservé les créances immobilières dans leurs bilans, mais les avaient regroupées dans des véhicules de placement, des fonds hypothécaires, pour les revendre entre autres à des fonds de pension et à des grandes banques. Les fonds hypothécaires perdant de la valeur avec la fin de la bulle immobilière, et, surtout, la complexité et l'enchevêtrement des véhicules de placement rendant très difficile l'estimation de leur valeur, le bilan des établissements financiers a été aggravé. Ils ont dû, alors, fortement provisionner des dépréciations d'actifs. Ceci a provoqué un effet de contagion et une perte de confiance généralisée entre établissements financiers, ce qui a asséché le marché interbancaire (crise de liquidité). Les institutions financières, en particulier les banques d'investissement, ont été fortement fragilisées.

L’analyse qui a été faite de cette crise à l’époque a engendré la réponse suivante : tout faire pour sauver le système bancaire et les inciter à prêter à nouveau. Les différents pays sont intervenus à travers trois principales méthodes :

  • cantonnement des actifs dangereux ;
  • garantie de l'État aux emprunts servant à refinancer les bilans des banques ;
  • la recapitalisation des banques par les États.

La réponse a donc, avant tout, été financière. Il y a eu un interventionnisme très important des Etats mais il n’y a pas eu, à notre sens, de « retour vers le keynésianisme ».

Pour rappel, le keynésianisme est une école de pensée économique fondée par John Maynard Keynes. Pour les keynésiens, les marchés laissés à eux-mêmes ne conduisent pas forcément à l'optimum économique. En outre, l'État a un rôle à jouer dans le domaine économique, notamment dans un cadre de politique de relance.

Les plus critiques n’ont vu dans les solutions choisies par les Etats qu’une manière de privatiser les profits et de socialiser les pertes : par exemple, la recapitalisation des banques par les États et, par conséquent, par les contribuables… ce qui n’a rien de keynésien.

En fait, il n’y a pas eu de relance keynésienne et les politiques de « rigueur budgétaire » se sont poursuivies en Europe de manière drastique.

La politique budgétaire d'austérité instaurée en Grèce, par exemple, a été d’une très grande ampleur. Ce type de démarche n’a été mise en place qu'à de très rares reprises dans l’histoire. La Suède l’a fait dans les années 1990 et le Canada entre 1995 et 1998, mais sans que cela affecte de façon critique leurs programmes sociaux, contrairement à la Grèce.

La « rigueur budgétaire » a poursuivi sa route en France aussi avec également des impacts sociaux et des conflits de plus en plus prégnants.

La crise liée au Covid 19

La crise liée au Covid 19 est fondamentalement différente.

Actuellement, dans la première phase de la crise, il s’agit d’une crise à la fois de l’offre et de la demande. L’offre diminue parce que les entreprises ferment ou font travailler moins de salariés pour les protéger du virus. La demande recule, parce que les gens restent chez eux et le nombre des biens et services qu’ils consomment habituellement ne sont plus disponibles.

En réaction, l’interventionnisme de l’Etat a aussi été très important. Mais là, il s’agissait :

  • d’augmenter rapidement les capacités des services de réanimation des hôpitaux en matériels et en personnels qui auparavant avaient fait l’objet d’arbitrages défavorables dans le cadre de la politique de rigueur budgétaire, et ce, depuis des décennies,
  • de protéger les entreprises et leurs salariés via différentes aides directes (chômage partiel),
  • de fournir une garantie de l'État aux emprunts servant à refinancer les entreprises frappées par les conséquences du confinement,
  • de venir en aide aux personnes en difficulté dont la situation s’est aggravée lors du confinement.

Il s’agit ici de « gestes de premiers secours » pour que l’économie ne s’effondre pas complètement.

Cependant, les conséquences économiques sont d’ores et déjà sévères.

Source : Le Monde daté du 29/04/2020

Certains critiquent le confinement en mettant en avant l’importance de l’économie pour les générations futures et un choix assumé de laisser mourir des personnes qui « ont déjà eu une vie ».

Au-delà des aspects éthiques, cette position ne tient pas non plus économiquement.

En effet, les sujets de plus de 65 ans, les individus souffrant de maladies chroniques (diabète, hypertension, cancer) et les personnes handicapées représentent un quart de la population française. Ces personnes consomment et la plupart participent à la vie économique de la nation. Ce sont ces personnes qui ont le plus de risque de développer une forme grave du Covid 19. 30 à 40 % des personnes placées en réanimation meurent (plus que la mortalité du H1N1 - en fait / source : Le Monde).

Ce choix aurait entrainé un coût humain (même en se limitant à son seul coût financier calculé par l’économétrie) et économique effroyable. Par ailleurs, on peut douter que cette solution aurait réellement évité que l’offre et la demande plongent. 62.000 morts ont été évitées par le confinement. Les pays n’auraient pu l’accepter.

Par ailleurs, dans l’urgence, la « rigueur budgétaire » n’a plus été de mise :

 

Source : Le Monde daté du 29/04/2020

Selon François Ecalle, ancien conseiller Maître de la Cour des comptes « Il n’existe aucun seuil absolu à partir duquel une dette devient soudainement problématique ou insoutenable ». Ainsi, le Japon n’a aucun mal à se financer en dépit d’un endettement frôlant les 250 % du PIB. Mais l’Espagne, elle, fut attaquée par les spéculateurs en 2010 alors que le sien était de 67 % du PIB seulement.

En fait, tout dépend de la capacité de l’Etat à rembourser. « Et celle-ci dépend d’une grande variété de critères, tels que son niveau de croissance, sa capacité à lever l’impôt, la stabilité de son système politique ou encore son degré de dépendance aux financements extérieurs » (Source : Le Monde daté du 29/04/2020).

Depuis le début de la pandémie, la règle européenne limitant le déficit public à 3 % du PIB est très clairement remise en cause.

Une annulation de la dette serait théoriquement possible. Cependant, en ce qui concerne la France (Source : Le Monde daté du 29/04/2020) :

  • Le pays a émis les obligations qui sont détenues à hauteur de 54 % par des investisseurs non-résidents, comme des fonds de pension. Effacer les titres qu’ils détiennent serait courir le risque qu’ils refusent, à l’avenir, de prêter de nouveau à la France − ou bien, à des taux prohibitifs.
  • 25 % de dettes sont détenues par les banques et assureurs français. Les annuler risque de déstabiliser ces établissements, au risque qu’ils réduisent leurs prêts aux entreprises et aux ménages, qui détiennent d’ailleurs, eux aussi, une partie de ces dettes dans leurs assurances vie.
  • 20 % environ de la dette française est détenue par la BCE, par l’intermédiaire de la Banque de France. En théorie, les effacer serait indolore, cependant « Cela reste interdit par les traités européens et surtout, les pays du Nord ne l’accepteraient jamais. Une telle mesure pourrait conduire à la rupture de la zone euro, alors qu’il existe d’autres façons, plus subtiles, d’alléger les dettes » (propos d’un expert qui requiert l’anonymat, repris dans Le Monde daté du 29/04/2020)

Une des solutions possibles et peut être plus acceptable par les différents acteurs pourrait être de « pousser » la part de la dette détenue par la BCE. Cette dernière pourrait attendre que les pays aient retrouvé une bonne santé économique pour commencer à demander le remboursement de la dette qu’elle détient.

Quoi qu’il en soit, la crise de l’offre et de la demande risque de durer plusieurs mois voire plusieurs années.

Une relance sera évidemment nécessaire et l’Etat comme les collectivités locales vont devoir y tenir leurs rôles même si pour financer ces plans, les états vont devoir d’autant plus s’endetter que les recettes fiscales vont chuter en raison de la récession.

La voie d’une « relance verte »

Les partisans d’une relance verte y voient la possibilité de créer de l’emploi et de l’activité économique tout en baissant les émissions de CO2 et en améliorant la qualité de vie. Parmi les propositions concrètes directement applicables, on peut citer (source : Le Monde) :

  • Un plan pour la rénovation globale des bâtiments ;
  • Développer le fret ferroviaire ;
  • Une filière "Batteries made in Europe" ;
  • Soutenir l’électrification des véhicules ;
  • Accélérer le développement du vélo ;
  • Relocaliser la production d’énergies renouvelables ;
  • Améliorer l’autonomie du pays en protéines.

Déclination de la relance verte dans le domaine de l’eau

La déclinaison ou différents éléments complémentaires de la relance verte dans le domaine de l’eau peut se faire comme suit :

  • Rénovation et renouvellement des infrastructures des services d’eau et d’assainissement ;
  • Augmentation des rendements des réseaux d’eaux ;
  • Réduction des fuites et des casses au niveau des réseaux d’assainissement ;
  • Gestion des surverses unitaires ;
  • Développement d’aménagement à l’aide de solutions fondées sur la nature ;
  • Economie et récupération d’énergie au niveau des infrastructures relatives à la gestion du petit et grand cycle de l’eau ;
  • Valorisation et récupération des sous-produits des usines de traitement de l’eau potable et à des stations de traitement des eaux usées ;
  • Réutilisation des eaux usées ;
  • Sécurisation de la filière boues par rapport aux risques bactériologiques et viraux ;
  • Autocontrôle et auto-surveillance des installations de traitement d'eaux usées ;
  • Gestion et auto-surveillance des réseaux d'eau et d’assainissement ;
  • Aménagement et protection des écosystèmes aquatiques pour préserver la Biodiversité ;
  • Développement, formation et revalorisation des métiers relatifs aux points évoqués précédemment…

Déclination de la relance verte dans le domaine sanitaire

Dans le domaine sanitaire, les pistes relatives à l’eau sont les suivantes :

  • Multiplier les installations de lavage des mains sur la voie publique et les établissements recevant du public ainsi que les entreprises et commerces ;
  • Retours des bains-douches publics à destination des populations fragiles ;
  • Développement, formation et revalorisation des métiers relatifs à l’hygiène ;
  • Nettoyage des bâtiments et des postes de travail ;
  • Gestions des déchets ;
  • Aménagement des bâtiments permettant de respecter les gestes barrières et les pratiques d’hygiène…

En renforçant leurs actions de coopération internationale décentralisée, les collectivités locales auront un rôle essentiel pour les jours et années d’après dans les pays pauvres.

 

Covid 19 – OIEau : Mise en place d’une assistance technique à distance pour les acteurs de l'eau

L'OIEau a mis en place une assistance technique à distance pour les acteurs de l'eau, de l'assainissement, des déchets et de l'environnement. Nos experts sont mobilisés à vos côtés pour répondre à vos difficultés techniques, opérationnelles ou stratégiques liées au contexte engendré par la pandémie du Covid 19.

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