Principe de participation : où cela va s'arrêter ?
La récente Loi du 27 décembre 2012 sur la participation du public annonce le début d'une phase de développement des grands principes du droit de l'environnement qui ont été inscrits dans notre corpus constitutionnel depuis 2005. Avec ses dix articles généraux, la Charte avait pour mérite de faire entrer certaines préoccupations environnementales au sein d'un ensemble composé notamment de la Constitution française du 4 octobre 1958, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, du Préambule de la Constitution de 1946, des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, des principes à valeur constitutionnelle, etc. Au delà du dispositif qui sera ici présenté, il faut immédiatement se poser la question de l'effectivité d'une telle Loi.
Présentation du dispositif de participation du public
La Loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement décline ledit principe de la manière suivante :
- "toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques" (art. L110-1 du C. Env, 4° du II).
- "toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l'autorité compétente" (art. L110-1 du C. Env, 5° du II).
Les principaux éléments concernant les limites et les conditions d'application du principe énoncé à l'article L110-1, 4° et 5° du II sont contenus dans l'article L120-1 dont la portée et les conséquences méritent une lecture in extenso :
I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et de ses établissements publics ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration.
II. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 120-2, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et horaires où l'intégralité du projet peut être consultée.
Pour les décisions à portée nationale, la liste indicative des consultations programmées est publiée tous les trois mois par voie électronique.
Au plus tard à la date de la mise à disposition prévue au premier alinéa du présent II, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues.
Les observations du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter de la mise à disposition prévue au même premier alinéa.
Au terme de la période d'expérimentation prévue à l'article 3 de la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement, les observations déposées sur un projet de décision sont accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision.
Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations déposées par le public et la rédaction d'une synthèse de ces observations. Sauf en cas d'absence d'observations, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation.
Dans le cas où la consultation d'un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations du public lui est transmise préalablement à son avis.
Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations du public ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte.
III. - Le II ne s'applique pas lorsque l'urgence justifiée par la protection de l'environnement, de la santé publique ou de l'ordre public ne permet pas l'organisation d'une procédure de participation du public. Les délais prévus au même II peuvent être réduits lorsque cette urgence, sans rendre impossible la participation du public, le justifie.
IV. - Les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue de protéger les intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4.
Interrogations quant à l'effectivité du dispositif
Le dispositif serait-il trop ambitieux pour que la Loi elle-même ne se dote d'un cadre "expérimental", prévu à l'article 3 et pour une durée de 18 mois ? A n'en pas douter, la mise en place d'un tel dispositif devrait donner lieu à une véritable logorrhée participative. Ce risque de lourdeur est d'ailleurs largement anticipé par les dispositions de l'article L120-1 du Code qui privilégie la consultation par voie électronique.
Applicables au 1er janvier 2013, les dispositions citées ci-avant pourront être complétées par ordonnance pour permettre d'étendre le dispositif :
- aux décisions individuelles ayant une incidence sur l'environnement
- aux décisions publiques ayant donné lieu à participation du public (sic) : c'est le cas des enquêtes publiques notamment
- aux Terres australes et antarctiques françaises et aux îles Wallis et Futuna.
Cette possibilité offerte par l'article 12 de la Loi permettrait de généraliser le dispositif à un très grand nombre d'autres actes administratifs qui ne sont pour l'instant pas visés. En imaginant la charge des dossiers qui vont résulter de cette nouvelle responsabilité qui est désormais celle des autorités administratives qui sont concernées par la Loi (l’État - et en premier lieu les Préfectures - les autorités administratives indépendantes, les établissements publics ayant une incidence sur l'environnement), la chose prend des allures de Bibliothèque de Babel, telle que décrite par Jorge Luis Borges dans la nouvelle du même nom.
Dispositions spécifiques milieux aquatiques
La Loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement prévoit notamment les conditions dans lesquelles le pouvoir réglementaire peut délimiter :
- Des zones où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur, le cas échéant après qu'elles ont été identifiées dans le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques prévu au I de l'article L. 212-5-1 ;
- Les bassins versants identifiés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux comme connaissant, sur les plages, d'importantes marées vertes de nature à compromettre la réalisation des objectifs de bon état prévus à l'article L. 212-1 en ce qui concerne les eaux côtières et de transition qu'ils alimentent, telles que définies par la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;
- Des zones dans lesquelles l'érosion diffuse des sols agricoles est de nature à compromettre la réalisation des objectifs de bon état ou, le cas échéant, de bon potentiel prévus par l'article L. 212-1 ;
Le mot est désormais lancé : il faut participer !