Evolution récente de la réglementation : Impacts sur les services publics de l'eau et de l'assainissement
Durant ces derniers mois, sont intervenus plusieurs changements législatifs et réglementaires portant sur les factures d’eau impayées, le fonds de solidarité pour le logement et le droit au logement. Certains de ces changements sont la conséquence de la loi dite « Brottes » (loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes), dont il a déjà été question dans nos colonnes, d’autres sont le résultat de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation ou encore de la loi dite « ALUR » (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové).
Nous tâcherons dans les lignes qui suivent d’exposer l’ensemble des changements qui concernent les services publics de l’eau et de l’assainissement.
Elargissement de l’interdiction d’interruption de fourniture d’eau pour cause de facture impayée
La loi « Brottes » sus visée a modifié l’article L115-3 du Code de l'action sociale et des familles en supprimant la fin d’une phrase du troisième alinéa qui , semble t-il sans que cela ait été volontaire de la part du législateur, modifie profondément le sens de cet article. Ainsi les possibilités d’interruption pour la distribution d'eau en cas de non-paiement de la facture ont été limitées de manière importante.
Depuis avril 2013, les fournisseurs d'eau ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la distribution d'eau aux personnes ou familles, et ce tout au long de l'année. Auparavant, cette interdiction ne concernait que les personnes ou familles éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de leur patrimoine, de l'insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence et bénéficiant ou ayant bénéficié, dans les douze derniers mois, d'une décision favorable d'attribution d'une aide du fonds de solidarité pour le logement.
Cette situation créée une difficulté pour les services publics d'eau et d'assainissement qui ne disposent plus de moyens pour distinguer ce qui relève d’une incapacité financière à pouvoir régler la facture d'eau et ce qui relève du comportement d’un mauvais payeur.
Pour l’instant nous n’avons pas connaissance de texte modificatif ou d’application pouvant permettre de répondre aux interrogations des services publics d'eau et d'assainissement. Seul un décret n° 2014-274 du 27 février 2014 modifiant le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau, modifie légèrement la procédure existante et que nous avions décrite dans sa version première.
Quels sont les changements apportés par le décret de 2014 ?
Techniquement, la procédure à suivre en cas de coupure d’eau n’a pas tellement évolué à l’exception du fait que l’on parle « d’interruption de fourniture sous réserve des dispositions du 3ème alinéa de l’article L115-3 du Code de l'Action Sociale et des Familles » et non plus de « coupure ». En cas d’interruption d’une durée de 5 jours, (et non plus 3 jours), le fournisseur en informe, le premier jour ouvré suivant (et non plus immédiatement), les services sociaux du département et, le cas échéant, les services sociaux communaux lorsque ces derniers sont cosignataires de la convention signée entre le département et le fournisseur d’eau. Enfin, ces conventions n’ont plus pour objet de fixer les procédures communes de contrôle entre le fonds de solidarité pour le logement et les fournisseurs des documents attestant des aides accordées par le fonds de solidarité pour logement.
Nouvelle procédure applicable en cas d’impayés au sein d’une copropriété
La loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis a été modifiée (en son article Article 29-1 A) par la loi « ALUR » (pour accès au logement et un urbanisme rénové) dans le but de clarifier la procédure applicable en cas d’impayés au sein d’une copropriété.
Désormais, lorsqu'à la clôture des comptes les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles, le syndic en informe le conseil syndical et saisit sur requête le juge d'une demande de désignation d'un mandataire ad hoc (pour les copropriétés de plus de deux cents lots, le pourcentage des impayés déclenchant la saisine est fixée à 15 %).
En l'absence d'action du syndic dans un délai d'un mois à compter de la clôture des comptes, le juge peut être saisi d'une même demande par :
- des copropriétaires représentant au moins 15 % des voix du syndicat,
- un créancier lorsque les factures d'abonnement et de fourniture d'eau restent impayées depuis six mois et si le créancier a adressé au syndic un commandement de payer resté infructueux,
- le représentant de l'Etat dans le département ou le procureur de la République près le tribunal de grande instance,
- le maire de la commune du lieu de situation de l'immeuble,
- le président de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat du lieu de situation de l'immeuble.
Frais liés au rejet de paiement : renforcement de la protection des consommateurs en difficulté
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré un nouvel article dans le Code général des collectivités territoriales qui interdit aux services d'eau potable et d'assainissement de facturer d’éventuels frais liés au rejet de paiement d’une facture lorsqu’il s’agit de personnes physiques ayant obtenu une aide du Fonds de Solidarité pour le Logement ou du Centre Communal d'Action Sociale dans les 12 mois précédents, ou qui bénéficient d'un tarif social.
« Art. L. 2224-12-2-1. - Aucuns frais liés au rejet de paiement ne peuvent être imputés par les services d'eau potable et d'assainissement aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels qui ont obtenu, pour la facture ayant généré des frais de rejet de paiement par la banque ou dans les douze mois précédant la date limite de paiement de ladite facture, une aide accordée pour le paiement de la fourniture d'eau par le Fonds de Solidarité pour le Logement ou le Centre Communal d'Action Sociale ou qui bénéficient, le cas échéant, d'un tarif social mis en place par le service public d'eau potable ou d'assainissement. Les modalités de mise en œuvre du présent article sont précisées par arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et des affaires sociales. »
A ce jour, nous n’avons pas eu connaissance d’un arrêté d’application.
Précision du dispositif de Fonds de Solidarité pour le Logement en cas d’accès à un nouveau logement
Dans l’article 6 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement , la formule : « Les dettes au titre des impayés de loyer et de facture d'énergie, d'eau et de téléphone peuvent être prises en charge par le fonds de solidarité pour le logement si leur apurement conditionne l'accès à un nouveau logement. » a été remplacée dans la loi du 24 mars 2014 « ALUR » par : « Le fonds de solidarité pour le logement, dans les conditions définies par son règlement intérieur, accorde des aides au titre des dettes de loyer et de factures d'énergie, d'eau et de téléphone, y compris dans le cadre de l'accès à un nouveau logement. ». Cette mesure pose le principe d’une obligation du Fonds de Solidarité Logement d’accorder une aide dans le cas où il s’agit d’accéder à un nouveau logement, dans les conditions définies dans son règlement intérieur.
Droit au logement : définition et précision de certaines notions
La loi du 24 mars 2014 « ALUR » crée deux définitions utiles qui viennent compléter la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement :
Habitat indigne : locaux ou installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé.
Habitat informel : locaux ou installations à usage d'habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d'assiette, dénués d'alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales, ou de voiries ou d'équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes.
La loi apporte également une meilleure définition des logements meublés protectrice des droits des locataires puisque selon celle-ci, le local loué doit être équipé du mobilier nécessaire au sommeil et à la vie courante du locataire ainsi qu'être pourvu de chauffage, d'une alimentation en eau et de sanitaires.
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