Gestion des projets

Avant d’arrêter les grands choix techniques

 

 

Combien les habitants sont-ils prêts à payer l'eau ?

 

Le service de l'eau n'est jamais gratuit. Même dans les villages les plus pauvres d'Afrique, les habitants le savent bien. Les puisatiers, les porteurs d'eau, .... se sont toujours fait payer pour leur travail. Tout projet de construction ou d'amélioration des points d'eau doit intégrer cette logique économique : un ouvrage hydraulique est un investissement, auquel la communauté villageoise participe et il génère des charges récurrentes, que cette communauté devra finalement supporter entièrement elle-même.

Avant de lancer un projet dans le domaine de l'eau potable, il convient donc de traiter les questions suivantes :

  • combien les futurs usagers sont-ils prêts à investir sous forme monétaire pour la construction des futurs points d’eau ? De quelle manière entendent-ils réunir les fonds nécessaires ?
  • que représente ce montant par rapport au coût total des investissements ? (un pourcentage inférieur à 5 % doit être considéré comme inquiétant, car il signifie que l'intérêt des usagers pour le futur aménagement est faible et/ou que la population estime ne pas pouvoir faire face aux charges que va entraîner le service proposé) ;
  • que payent actuellement les usagers pour l'eau ? Qui paye (les hommes, les femmes,...) ? Et à partir de quels revenus ? Quelles dépenses sont déjà engagées pour maintenir les points d'eau en bon état (et si les points d’eau ne sont pas entretenus, pour quelle raison) ? Que payent les familles pour se faire porter l'eau à domicile ? Ces questions sont très importantes, mais l'expérience prouve qu'il n'est pas facile d'obtenir des informations dans ce domaine, alors qu’elles constituent une composante essentielle de l’étude de faisabilité, beaucoup plus fiable que les enquêtes portant sur la " volonté à payer " ;
  • les habitants se disent-ils prêts à payer d'avantage qu'actuellement pour un service de l'eau amélioré, ou espèrent-ils que l'eau sera moins chère, voire gratuite ? Il est de la responsabilité des porteurs du projet d'informer au préalable le plus complètement possible les usagers des charges qu'il faudra couvrir et donc du prix du futur service de l'eau ; l’idéal serait même de leur laisser le choix entre plusieurs niveaux de service, qui entraînent des coûts différents.

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Quelle est la quantité d'eau nécessaire ?

Plus un ouvrage hydraulique (pompe, adduction, réservoir,...) est gros, plus il coûte cher et plus il entraîne des charges récurrentes et des difficultés d'entretien.

Il est donc très important de dimensionner soigneusement les futures infrastructures en fonction des besoins prioritaires et de la demande solvable. De nombreuses infrastructures hydrauliques ont été surdimensionnées, notamment parce que les usagers ne finançaient pas eux-mêmes les investissements et qu'ils avaient donc tendance à " avoir les yeux plus gros que le porte-monnaie ", ou encore parce que le partenaire financier du Nord a eu tendance à imposer un standard de service trop " haut de gamme ", calqué sur celui qui a cours dans des pays où les revenus par habitant sont 50 fois plus forts. Par exemple, de nombreuses stations de pompage sont trop puissantes et ne fonctionnent que pendant une ou deux heures par jour, en entraînant des charges exagérées (car la maintenance des gros groupes électrogènes est difficile), sans avoir pour autant une plus longue durée de vie.

L'expérience de centaines de projets soigneusement évalués montre que la consommation d'eau de bonne qualité (boisson, cuisine, hygiène corporelle) est de l'ordre de 5 à 15 litres par jour et par habitant dans les villages et les quartiers où les habitants doivent payer l'eau et la transporter. L’objectif défini par l’OMS (25 litres par jour et par habitant) correspond à une consommation globale, y compris l'eau de lessive et de bain qui est généralement prélevée dans des points d'eau gratuits (puisards, rivières,...).

Il est donc recommandé de dimensionner les projets de nouveaux points d'eau potable sur la base de 10 à 15 litres par jour et par habitant (un peu moins en milieu villageois, un peu plus en milieu urbain), tout en prévoyant la possibilité d'étendre le système au bout de quelques années, pour pouvoir faire face à un accroissement de la demande.

Avant de lancer un projet dans le domaine de l'eau potable, il convient donc de traiter les questions suivantes :

  • comment dimensionner les infrastructures et à qui confier cette étude ?
  • à partir de quelles hypothèses démographiques ?
  • sur la base de quelle dotation en eau par habitant ? Cette hypothèse est-elle purement théorique ou correspond-elle à une mesure dans le village ou dans un village voisin ?
  • quels sont les besoins en eau qui ne sont pas couverts par les infrastructures déjà existantes ?
  • comment prendre en compte la variation de la concurrence des points d’eau gratuits au cours d’année (il est bien connu qu'en saison des pluies, les usagers utilisent d'avantage les points d'eau traditionnels et que les recettes des exploitants de réseau diminuent de 30 à 70 %) ;
  • que payent actuellement les villageois pour avoir de l’eau ?
  • quelles ressources naturelles pourront être mobilisées ?

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Existe-t-il une ressource en eau suffisante ?

 

Pour alimenter en eau un village

Pour l’approvisionnement en eau de boisson d’un village, les ressources en eau souterraines sont généralement suffisantes, moyennant le creusement de un, deux ou trois puits ou forages (un village de 500 habitants aura besoin de 10 m3 d’eau par jour).

Il existe quand même des régions où les ressources en eau sont faibles (sous-sol argileux ou schisteux) ou de qualité médiocre (régions insulaires ou de mangroves). Il est alors prudent de consulter les services techniques de l'Etat (c’est-à-dire la direction de l'hydraulique). Dans la plupart des pays, ces services ont conduit des études générales pour déterminer les ressources en eau disponibles dans les différentes régions et donc la faisabilité d’une campagne de forage.

Cela ne signifie pas que l'on puisse déterminer à l'avance le débit d'un futur forage, mais on peut évaluer la probabilité d'obtenir un débit suffisant et une eau de bonne qualité. Le budget limité qui est alloué à un point d’eau villageois (quelques dizaines de milliers de FF) ne permet pas de financer une étude hydrogéologique ou géophysique sérieuse et il faut donc accepter un certain risque d’échec.

 

Pour alimenter en eau une petite ville

L’alimentation en eau d’un réseau de distribution exige un débit plus important (100 m3 par jour, pour une ville de 5 000 habitants). Un tel débit est parfois difficile à trouver, même avec un forage profond, particulièrement dans les régions de socle, qui s’étendent sur plus de la moitié de l’Afrique.

Après consultation de la direction de l’hydraulique, pour évaluer la faisabilité générale du forage, il est conseillé de faire procéder à une étude hydrogéologique et/ou géophysique sérieuse. Le coût de celle-ci (5 000 à 20 000 FF) sera rapidement amorti s’il permet de réduire les risques d’échec des futurs forages. Attention, une telle étude améliore les chances de succès, mais elle ne garantit pas le résultat du forage. Il est donc prudent d’attendre les résultats des essais par pompage avant de dimensionner le réseau de distribution.

 

Pour faire de l’irrigation

Ce n’est pas l’objet principal de la présente publication, mais nous rappelons quand même que l’irrigation exige beaucoup plus d’eau que l’approvisionnement en eau de boisson, et que l’eau destinée à l’irrigation doit être produite à très bas prix (quelques centimes par m3).

 

Les ressources utilisables sont alors les rivières (et il importe d’analyser soigneusement l’évolution de leur débit durant la saison d’irrigation) et les nappes phréatiques (et il importe alors de vérifier si le débit des puits est suffisant et la hauteur de pompage pas trop forte ; 10 mètres constituent une limite maximale pour la rentabilité de l’irrigation des céréales et 20 mètres pour celle du maraîchage).

De plus, il faut garder à l’esprit que dans certaines régions, les ressources en eau sont trop limitées pour les " gaspiller " en irrigation. Elles doivent être réservées à l’alimentation en eau des hommes et du bétail.

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Quel type de système d'approvisionnement en eau choisir ?

 

On peut fournir de l’eau de boisson au travers d’ouvrages plus ou moins sophistiqués, qui ne coûteront bien entendu pas le même prix, et qui n’offriront pas la même qualité de service. Les promoteurs du projet devront donc réaliser une analyse comparative de diverses solutions techniques, mettant particulièrement en exergue les critères suivants :

  • quel niveau de service est offert par chaque solution ?
  • que coûte-t-elle ?
  • mobilise-t-elle des entreprises locales, nationales ou étrangères (ce qui permettra d’augmenter les retombées économiques locales du projet) ?
  • l’exploitation sera-t-elle maîtrisée localement ou faudra-t-il avoir recours à des prestataires de service originaires de la capitale ? Qui sera apte à réaliser les réparations ?
  • quel sera le niveau des charges récurrentes ?
  • quelles seront les contraintes de renouvellement des moyens d’exhaure ?

 

Investissement (FF)

20 000 30 000

30 000 40 000

60 000 80 000

100 000
200 000

500 000
2 000 000

1 000 000
5 000 000

Soit par usager (FF)

200

200

350

150

500

1 000

Entreprises

locales

locales

nationales

étrangères

nationales

nationales

Charges récurrentes annuelles (FF)

50
100

200
500

200
500

5 000
10 000

10 000
30 000

30 000
100 000

Contraintes de renouvellement

négligeables

faibles

faibles

fortes

fortes

fortes

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Comment réaliser et valider les études de faisabilité techniques ?

 

Pour analyser les diverses solutions techniques possibles, il est toujours sage de faire appel à des compétences locales, qui ont déjà l’expérience de ce qui " marche ", dans les conditions réelles et souvent difficiles du village ou du quartier. Identifier ces compétences n’est pas toujours facile, car le marché africain de l’ingénierie n’est pas encore très développé ni très transparent. C’est l’une des premières tâches à laquelle devront s’atteler les promoteurs du projet, en cherchant à répondre aux questions suivantes :

  • faut-il lancer un appel d’offres pour les études ?
  • qui peut réaliser les études techniques (topographie, plan du réseau, dimensionnement de la pompe et des conduites) ?
  • quelles références (études précédentes) devrait posséder le bureau retenu dans le domaine de l'étude et dans la région ?
  • quelle est la responsabilité que prendra celui qui va réaliser les études quant à la bonne marche des équipements ?

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La solution retenue est-elle la meilleure ?

 

La première solution identifiée n’est pas toujours la meilleure. Les promoteurs du projet auront intérêt à examiner systématiquement plusieurs solutions différentes, pour analyser leurs avantages respectifs, en étant bien conscient qu’il n’existe jamais de solution parfaite, mais qu’une ou deux solutions peuvent présenter un rapport coût/avantage nettement meilleur que les autres.

Le choix des solutions doit évidement être fait avec la population. C’est elle qui devra prendre en charge l’exploitation des points d’eau et il faut donc qu’elle puisse décider, en toute connaissance de cause, si elle accepte les inévitables contraintes d’un nouvel ouvrage. Il est donc indispensable d’informer clairement les usagers de toutes les implications de chaque solution (financière, technique, en termes d’organisation, etc.).

Enfin, on aura toujours intérêt à chercher à savoir s’il existe d’autres ouvrages du même type que celui qui est projeté dans la région. Si ce n’est pas le cas, il convient de vérifier si ce type de solution n’a pas été écarté pour de très bonnes raisons. Attention aux solutions techniques totalement nouvelles. Elles demandent obligatoirement de prévoir des actions de suivi et de formation, qui sont difficiles à assurer loin des grandes villes.

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Comment choisir le matériel ?

 

Tout matériel hydraulique est appelé, à plus ou moins brève échéance, à tomber en panne. Il est donc très important de s’en préoccuper dès la phase des investissements en recherchant :

  • un matériel robuste et pas trop sophistiqué, car les conditions de service sont rudes (chaleur, poussière,...) ;
  • un matériel bien connu des artisans locaux et pour lequel on puisse trouver sur place des pièces détachées.

En Afrique, de nombreuses stations de pompage sont en panne simplement parce que le matériel installé est mal adapté au climat ou au réseau de maintenance que l'on peut mobiliser sur place. La responsabilité des promoteurs des projets est ici totale, car ce sont eux qui choisissent le matériel qui va être acheté (les villageois n'ont pas les compétences nécessaires).

En ce qui concerne les technologies " nouvelles ", la plus grande prudence est de rigueur. Trop de villages africains ont fait les frais " d’expérimentations technologiques " qui se sont révélées peu fiables. C’est d’autant plus grave que ces villages sont ainsi non seulement privés d’eau, mais aussi découragés dans leurs futures initiatives de développement.

Le sous-développement économique est avant tout lié à des facteurs historiques, politiques et sociaux, et il est donc un peu vain de prétendre y répondre par des innovations technologiques. Ce type d’innovation devrait être réservé aux centres de recherche.

Il est tout aussi illusoire de prétendre construire des systèmes de distribution d’eau durables, en y recyclant du matériel de récupération qui aura une durée de vie limitée, et qui correspond rarement aux filières de réparation qui fonctionnent dans le pays d’accueil.

Avant tout achat de matériel, il importe donc d'examiner les questions suivantes :

  • comment choisir le matériel (et particulièrement les pompes à motricité humaine et les groupes électrogènes) ?
  • à quels standards nationaux doivent-ils répondre ? (ceci est particulièrement important pour les pompes manuelles) ;
  • ce matériel a-t-il déjà subi avec succès plusieurs années de travail en conditions réelles ?
  • par quel commerçant les marques choisies sont-elles représentées dans le pays et dans la région ? Le fournisseur a-t-il une politique commerciale et une représentation durable dans le pays ?

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Existe-t-il une filière d'approvisionnement en pièces détachées ? Qui pourra assurer la maintenance ?

 

Même un matériel robuste et fiable nécessite de temps en temps entretien et réparation. Cela implique que le village ou le quartier doivent pouvoir trouver facilement des pièces détachées. Acheter un stock de pièces en même temps que la pompe n'est pas une mauvaise idée, mais elle est rarement suffisante, car les pannes sont, par nature, difficilement prévisibles. Il est donc capital de n’importer que du matériel pour lequel une filière d'approvisionnement en pièces détachées soit déjà fonctionnelle.

Pour assurer l’entretien et la réparation du matériel, le village devra trouver un artisan réparateur compétent. Certains projets ont parfois tenté de former un mécanicien " ad hoc " sur place ou en Europe. L’expérience montre que ces formations sont rarement bien adaptées et que les véritables artisans ne sont pas nécessairement disponibles pour abandonner leur clientèle et partir en formation longue. Il vaut mieux rechercher dans la région s’il existe déjà des artisans qui soient capables d’assurer la maintenance et, si ce n’est pas le cas, de ne pas hésiter à changer de choix technologique.

Avant tout achat de matériel, il importe donc d'examiner les questions suivantes :

  • ce matériel existe-t-il déjà en nombre suffisant pour viabiliser la filière pièces détachées ? (attention à ne jamais introduire un nouveau type de pompes manuelles à un ou deux exemplaires, qui viendrait déstabiliser la filière maintenance des pompes qui sont déjà installées dans la région) ;
  • par quel commerçant les marques choisies sont-elles représentées dans le pays et dans la région ?
  • quels sont les stocks de pièces détachées existant déjà dans le pays ?
  • quelles sont les compétences locales en matière de maintenance ? Si ces compétences n’existent pas, quels autres types de matériels pourront être réparés par les artisans qui sont déjà installés dans la région ?

 

 

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