Cette fiche a été rédigée par l’équipe technique du RéFEA

HAITI : L'EAU UTILISEE COMME FERMENT SOCIAL

 

Après des décennies de tourbillons socio-politiques, Haïti tente de panser ses plaies malgré une instabilité certaine et des difficultés économiques majeures. Port-au-Prince, capitale du pays, vit intensément les changements actuels puisqu'elle regroupe près de 25% de la population Haïtienne.

 

Ville dont la croissance est devenue incontrôlable avec l'arrivée massive des paysans fuyant la pauvreté et la déforestation à grande échelle, Port-au-Prince manque cruellement d'eau. Ce déficit chronique, accentué par une croissance urbaine démesurée et anarchique, est géré difficilement par la Centrale Autonome Métropolitaine d'Eau Potable (CAMEP).

 

Ainsi, le service n'est assuré que quelques heures par jour, voire par semaine, pour les quartiers les mieux nantis et équipés en infrastructures, posant parfois des problèmes de qualité puisqu'un réseau fonctionnant par intermittence est synonyme d'eau douteuse (d'un point de vue microbiologique) .

 

Au niveau quantité, les branchements particuliers ne dépasseraient pas les 15% de la population urbaine. Il faut rajouter à cette desserte l'approvisionnement collectif par les fontaines publiques qui rejoindraient un nombre moindre d'habitants. Au bout du compte, c'est plus de 50% des habitants qui doivent trouver un autre moyen de s'approvisionner en eau.

 

Il s'est donc développé à Port-au-Prince un véritable " commerce " de l'eau qui suit différentes voies. La revente de l'eau par des particuliers raccordés est ainsi devenue un mode d'approvisionnement très répandu et une source de revenus fort importante pour les particuliers, d'autant plus que le prix de cette eau, de qualité ou non, dépasse largement celui de la CAMEP, lequel s'appuie sur un système forfaitaire de facturation.

 

D'autres formes alternatives de distribution de l'eau se juxtaposent au système dit des " voisins raccordés " : camions-citernes, porteurs d'eau, ... Le tout s'effectue dans la plus complète anarchie et le rôle régulateur que devrait jouer la CAMEP en est réduit à sa plus simple expression.

 

Afin de redonner la place qui revient à la CAMEP en tant que gestionnaire public de l'eau tout en permettant aux populations moins bien nanties d'avoir un approvisionnement à coût acceptable (coût de l'eau vendu par les solutions alternatives : > 10% du budget des familles), en qualité et en quantité, le Groupe de Recherche et d'Echanges technologiques (GRET), ONG Française, appuyé par d'autres organismes, a mis en œuvre des projets inédits.

 

Ces projets s'appuient sur des mini-réseaux, à l'échelle des quartiers, alimentés en eau par la CAMEP qui la vend au prix de gros à un comité de quartier qui en assure la gestion (distribution de l'eau, entretien des équipements, ...). Le Comité d'Eau regroupe l'ensemble des forces vives du quartier, ce qui n'est pas une mince tâche dans un pays traversé par plusieurs sensibilités.

 

Le Comité d'Eau se veut donc un corps fédérateur de l'ensemble des composantes du quartier. Il vend l'eau à un prix socialement acceptable (0,02 $US le seau de 20 litres en 1997 ; le PNB d'Haïti par habitant en 1996 était de 310 $US) et en récupère les profits pour le bénéfice de la communauté. De plus, il aide à la reconnaissance de l'entreprise publique (CAMEP).

 

Dans ce pays au destin fragile, il est remarquable de constater que l'eau est utilisée comme un ferment social...