Un besoin croissant "À Chungungo, au Chili, petit village situé dans une des régions les plus arides du monde, l'eau est une denrée précieuse. Transportée par camion en provenance de puits éloignés, il a longtemps été normal de l'utiliser au compte-gouttes. D'un coût très élevé, l'eau, souvent contaminée, était responsable des piètres conditions hygiéniques, de la prolifération de maladies et de l'insuffisance de la production alimentaire. Aujourd'hui, grâce à une technique toute simple, on peut recueillir l'eau contenue dans le brouillard et fournir aux villageois deux ou trois fois plus d'eau qu'ils n'en utilisaient auparavant et ce, à meilleur marché. L'épais brouillard (camanchaca), qui s'étend presque en permanence le long de la côte du Chili et crée des nappes de brumes tenaces quand les vents dominants soufflent de la mer et franchissent les montagnes, rend possible le recours à cette technique." (CRDI, http://www.idrc.ca/nayudamma/fogcatc_72f.html) En Inde, il ny a pas si longtemps, la population dAkole Taluka, zone tribale du centre du pays, devait passer la plupart de son temps à chercher de leau pour son usage quotidien. Une nouvelle stratégie de gestion de leau a permis son accès à longueur dannées avec des surplus pour irriguer la terre, autrefois inculte. En Malaisie, linstallation de pompes à main le long de lautoroute a permis dapprovisionner en eau les voyageurs. "1,5 milliard de personnes nont pas accès à leau potable dans le monde (le quart de la population mondiale), et plus de 2 milliards de personnes ne disposent pas dun assainissement approprié." (RéFEA, http://www.oieau.fr/ReFEA/module1.html). Alors quau Québec, nous utilisons en moyenne 420 litres deau par personne chaque jour, dans plusieurs pays du Sud cest seulement une trentaine de litres par personne par jour qui sont disponibles, tandis que dans certains pays du Sahel, on arrive difficilement à trouver 10 litres deau. Selon lOrganisation mondiale de la santé (OMS), 30 litres deau seraient le minimum nécessaire à une personne pour vivre. De plus, avec laugmentation rapide de la population, la quantité deau disponible par personne sen trouvera réduite. Ainsi, on prévoit que près de 65 pays (7 milliards de personnes) manqueront deau dici 2050, soit 65 % de la population mondiale. Lindustrialisation, lurbanisation et lagriculture intensives ont entraîné une importante détérioration de la qualité des eaux des pays en développement. 80 pour cent des maladies présentes dans ces pays sont dues à la piètre qualité de leau. Les bactéries et virus présents dans leau sont vecteurs de maladies comme le choléra, la fièvre typhoïde, la dysenterie ou lhépatite infectieuse qui causent la mort denviron 34 000 personnes par jour dans le monde (autant que lécrasement de 100 gros porteurs par jour).
Plusieurs organismes, comme le CREPA (Centre régional pour leau potable et lassainissement à faible coût), basé à Ouagadougou, et le CRDI (Centre canadien de recherche pour le développement international) se sont donnés pour mandat pour les années 2000 daugmenter lapprovisionnement en eau et lassainissement des pays en développement. On a longtemps utilisé des technologies qui n'étaient pas adaptées à leurs conditions, des technologies souvent conçues dans les pays du nord pour les pays du sud. Elles se sont souvent révélées, trop complexes, non conçues pour des conditions difficiles et des usages intensifs. Plusieurs dentre elles, comme les anciennes pompes à main, sont restées à labandon après quelles se soient brisées et que les pièces de rechange, parce que trop dispendieuses ou difficiles à obtenir, naient pas été trouvées. De plus, les technologies utilisées dans les pays du nord sont difficilement exportables vers les pays du sud. Souvent complexes elles aussi, elles sont également trop coûteuses, les coûts dinvestissement et de fonctionnement ne pouvant être assumés. Plusieurs méthodes comme celles de lanalyse de leau nécessitent lexpertise de techniciens hautement compétents et des laboratoires perfectionnés. Elles ne tiennent souvent pas compte du manque de formation des exploitants. Les pays en développement ont besoin de technologies adaptées à leur situation économique, sociale et environnementale. Heureusement aujourdhui, les innovations abondent dans ce sens et de nombreuses technologies à faible coût comme certains les appellent ont été développées. Ce sont des technologies qui demandent, avant même leur mise sur pied, une bonne connaissance du milieu et des ressources disponibles sur place. Dans le Deccan, en Inde centrale, on a élaboré une nouvelle stratégie de gestion de leau qui, grâce à une variété de techniques, met à profit les eaux souterraines. On a entre autres creusé des fossés et érigé des barrières de roches pour colmater des ravines et des ruisselets. On a dû au préalable, acquérir des connaissances sur lhydrogéologie du sol et des eaux souterraines, du climat, etc.. On sest de plus assuré de la participation de la populations locale à chaque phase du projet. Le RéFEA (Réseau Francophone sur lEau et lAssainissement) a identifié trois qualités qui font quune technologie - que ce soit pour lanalyse de leau, pour son traitement ou pour lassainissement - est plus appropriée quune autre: elle utilise la main duvre locale pour la construction et encourage les petites industries; elle utilise des matériaux, équipements et techniques de construction que la population locale connaît; elle repose sur des matières premières disponibles sur le plan local et des composantes manufacturées. Le RéFEA souligne limportance de bien informer la communauté à propos de la maintenance, des implications financières de chacune des options qui leur sont offertes afin quelle fasse un choix éclairé puisque cest à la communauté que doit incomber la décision finale. Pour rencontrer ces différents critères, en plus dêtre peu coûteuses, ces technologies doivent souvent faire preuve dune grande ingéniosité et dadaptation au milieu. Au Liban, par exemple, des chercheurs de lUniversité américaine de Beyrouth avec laide du CRDI se sont inspirés de méthodes de traitement de leau qui avaient cours en Inde 2000 ans avant Jésus-Christ pour mettre au point un moyen pratique et peu coûteux dapprovisionner en eau potable les populations des pays en développement. Il sagit dorienter leau par rapport au soleil de façon quil détruise les bactéries qui y sont présentes. Les longueurs donde de la lumière solaire les plus efficaces pour détruire les bactéries sont celles comprises entre 315 et 400 nanomètres (ultraviolet). Le verre et le plastique transparents sont des matériaux qui laissent entrer une lumière qui se rapproche le plus de ce spectre et qui offrent ainsi un bon pouvoir de désinfection. Finalement, des recherches effectuées récemment à Montréal ont démontré que les sacs de plastique transparent sont ce qui convient le mieux à la désinfection de leau par rayonnement solaire. Voilà un exemple de technique simple et peu coûteuse ! Selon les informations recueillies sur le site du CRDI, six litres deau du Saint-Laurent peuvent ainsi être désinfectés en cinq heures durant lété. Lutilisation dune énergie renouvelable comme le soleil, une ressource à la fois abondante et accessible savère une alternative très souvent intéressante. La mise sur pied de technologies à faible coût, en plus daméliorer les conditions de santé et de qualité de vie, a souvent un effet dentraînement dans une communauté. Encourager limplication des personnes sur place augmente leur sentiment de prise en charge et de responsabilité. Des emplois sont ainsi créés, des gens sont formés, vont chercher une plus grande expertise et sont souvent par la suite invités à transmettre leur savoir-faire à dautres communautés. Les gens deviennent mieux informés et plus sensibilisés aux pratiques plus hygiéniques et modifient leurs comportements à risques. À Chungungo au Chili, on a installé 80 capteurs de brouillard, de grands filets en polypropylène semblables à de gigantesques filets de volley-ball, destinés à recueillir les fines gouttelettes deau contenues dans lépais brouillard qui sétend presque en permanence le long de la côte. En plus de recueillir une eau de très bonne qualité, les villageois sont maintenant approvisionnés deux à trois fois plus en eau quils nen utilisaient auparavant et ce, à meilleur marché. Un approvisionnement en eau plus fiable et sans danger a non seulement contribué à lamélioration de la santé mais a aussi haussé le niveau de revenu de la population. Aujourdhui, le réseau dadduction deau de Chungungo est entièrement administré par la collectivité, et le village, auparavant pauvre, tire maintenant profit des retombées du système. Lélectricité y a été installée, un nouveau secteur touristique a été érigé, appelé Villa Canadá, et on y attire même des vacanciers !
Les technologies à faible coût nentraînent pas des bénéfices quaux pays en développement. Les pays industrialisés peuvent aussi tirer des avantages de technologies simples et peu coûteuses. La communauté crie de Split lake, au Manitoba, aux prises avec des problèmes de santé causés par leau, a établi, avec laide du CRDI, son propre laboratoire danalyse deau faisant appel à des techniciens locaux et à des tests simples trouvés à la suite de recherches effectuées en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Au Québec, les innovations se sont faites plutôt au niveau de lassainissement. La plupart des moyennes et grandes municipalités sont maintenant dotées de stations dépuration. Mais parmi les municipalités de moins de 4000 habitants, plusieurs rejettent encore leurs eaux usées sans traitement dans les cours deau avoisinants. Les procédés utilisées par les grandes agglomérations sont souvent mal adaptés et inabordables pour les petites communautés souvent dispersées, difficiles daccès ou éloignées. Plusieurs réseaux dégouts existant au Québec ne sont pas conçus pour acheminer leau à une station dépuration. Les eaux de pluies sadditionnent la plupart du temps aux eaux dégouts, ce qui entraîne de grands volumes deau à traiter et nécessite des installations importantes associés à des coûts de construction et dexploitation faramineux. Des technologies mieux adaptées à la réalité des petites localités sont donc nécessaires. Une de ces technologies est de plus en plus répandue au Québec. Il sagit du traitement par marais artificiel. Les milieux humides ont la propriété dêtre de bons épurateurs naturels. Les plantes - comme les roseaux et les quenouilles - et les bactéries captent les phosphates, lazote et les produits toxiques en plus de retenir les sédiments en suspension dans leau. Cest un procédé qui comporte plusieurs qualités qui en font une solution avantageuse pour les petites agglomérations et les installations isolées. Ce système est simple et efficace, nécessite très peu de coûts de construction et dopération en plus de bien sintégrer aux paysages ruraux et urbains. La Biosphère, la plage de lÎle Notre-Dame, le zoo de Saint-Félicien ainsi que plusieurs municipalités utilisent ce procédé. Ils sont également de plus en plus nombreux à adapter cette technique dans le milieu agricole. Lutilisation de la tourbe est un autre moyen de traiter les eaux usées. Ce procédé est particulièrement approprié pour les installations isolées. Il sappuie sur la présence dune importante activité microbienne et sur sa capacité accrue de rétention et dabsorption des liquides. Lentreprise Premier Tech Inc. a mis au point un système de biofiltration utilisant ce procédé, qui a été commercialisé depuis 1994 sous le nom dÉcoflo. Il consiste en un caisson en fibre de verre contenant un lit filtrant à base de tourbe. Les eaux à traiter de la maison sont acheminées de la fosse septique vers le caisson pour ensuite sinfiltrer dans le sol ou être diluées dans le cours deau. Il nest pas rare que les technologies développées ici connaissent un essor international. Cest le cas de lÉcoflo, maintenant exporté en Ontario, aux États-Unis et en France. Mais cest aussi léchange dexpertise qui découlent de la création ou de lutilisation dune de ces technologies qui en font une alternative intéressante. Ce fut le cas des Cris du Manitoba qui, suite à lélaboration de leur système danalyse de leau, ont élaboré un programme de formation donné par les techniciens cris aux membres de deux communautés autochtones du Chili, les Mapuches. Un atelier déchange a aussi permis de faire connaître les tests à des participants du Costa Rica, du Guatemala et du Nicaragua. Et ça continue... Les échanges vont aussi dans le sens inverse, cest à dire des pays du sud vers dautres pays aux prises avec des problèmes similaires. Ainsi, des cours dune durée de dix jours ont été organisés à Chungungo au Chili afin de favoriser la transmission dexpertise concernant les capteurs de brouillard. On retrouve maintenant des capteurs en Équateur, au Pérou et en Namibie. Lutilisation de technologies simples et peu coûteuses semblent non seulement être une solution avantageuse pour les pays en développement et pour les petites agglomérations des pays du nord, mais leurs qualités en font une alternative facilement adaptable dans plusieurs parties du monde en plus de favoriser lentraide entre les communautés des différents pays.
Le CRDI a créé un réseau scolaire international détude sur la pollution de leau, Aquatox 2000, qui réunit de jeunes élèves chercheurs dune trentaine de pays à travers le monde, dont le Canada. Il permet dacquérir et déchanger de linformation sur la qualité de leau de plusieurs points du globe. Avec laide dune équipe internationale de scientifiques qui oeuvrent dans des laboratoires danalyse de la qualité de leau, ils utilisent des séries danalyses simples peu coûteuses pour mesurer le degré de pollution dans leau de leur milieu. Parmi ces tests, on retrouve celui de létude de la germination de bulbes doignon dont la longueur de la racine sert dindice de toxicité et lanalyse de semences de laitue dont lindice de toxicité est relié à labsence de croissance des pousses et de leurs racines. En touchant les jeunes, le réseau se tourne vers lavenir. Tout en les encourageant à la protection de leau et de lenvironnement dans leur milieu, quils soient canadiens, ivoiriens ou ukrainiens, les jeunes sont sensibilisés à limportance de la contribution de la recherche scientifique pour un avenir durable sur lensemble de la planète. Agence canadienne de développement local (ACDI). Leau et le développement durable, le 22 mars : Journée mondiale de leau, chaque goutte est précieuse, [Ottawa], ACDI, 1996, 26 p. Caicedo, Silvia. Aquatox 2000 , International School Network on Water Toxicity : Technical Report for IDRC Awards Unit and the Ecosystem Approaches to Human Health Program Initiative, Ottawa, s.n., novembre 1999, 45 p. Centre de recherches pour le développement international, " Aquatox 2000, Réseau scolaire international détude sur la pollution de leau ", s.l., s.n., s.p. Centre de recherches pour le développement international (CRDI). Banque d'information Nayudamma. [En ligne]. http://www.crdi.ca/nayudamma/index_f.html (Page consultée le 3 août 2000). Centre régional pour l'eau potable et l'assainissement à faible coût (CREPA). [En ligne]. http://www.oieau.fr/crepa/ (Page consultée le 3 août 2000). Marois, Nathalie. " Des innovations pour lassainissement des eaux de petites collectivités ". LEnjeu, (printemps 1997), p. 25-28. Réseau francophone sur l'eau et l'assainissement. Centre télématique francophone sur l'eau. [En ligne]. http://www.oieau.fr/ReFEA/ (Page consultée le 3 août 2000). |
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